
Exposition Ethnocolor en Terre Amazone
Exposition EHNOCOLOR en Terre Amazone
Le travail plastique de Frans Krajcberg exprime sa révolte face à la dévastation continue de la forêt amazonienne.
Présentées en parallèle avec son exposition permanente, les photographies de Rozenn Leboucher témoignent du sort des populations attachées à leur forêt nourricière.
Depuis dix ans, Rozenn Leboucher va à la rencontre des minorités ethniques menacées de disparition par la globalisation de la culture occidentale.
Le projet Ethnocolor
ETHNOCOLOR est un projet photographique culturel dédié aux fêtes traditionnelles à travers le monde. Ce projet est porté par une association (loi de 1901), créée en 2009. ‘Ethno’ définit la diversité des ethnies à l’origine de ces fêtes, ‘color’ reflète leur côté chatoyant et bariolé.
L’objectif d’ETHNOCOLOR est de mettre ainsi en valeur les diversités culturelles ethniques au travers des manifestations coutumières et de souligner la richesse de cet héritage, patrimoine de l’humanité qui risque à tout instant de disparaître.
ETHNOCOLOR se base sur les années d’expériences de terrain de Rozenn Leboucher :
« Si j’ai vécu intensément chaque minute de mes voyages privilégiés, c’est grâce à la chaleur humaine rencontrée dans ces contrées perdues. Des centaines de maisons se sont ouvertes où j’ai puisé dans leur inconfort le réconfort d’aventures parfois risquées.
Eux qui sacrifient leurs maigres biens à la somptuosité de leurs costumes m’ont guidée, informée, encouragée et conseillée pour la suite de mes recherches. L’hospitalité de ces gens humbles et souriants m’a touchée et encouragée à persévérer.
Puissent mes photos faire ressortir leur volonté de ne pas perdre leur âme ! »
Ethnocolor en terre Amazone, s’attache à mettre en valeur les peuples de la forêt amazonienne.
Dans la série en couleur, je montre certaines ethnies de la forêt amazonienne disséminées sur l’immense territoire de la selva, tels les peuples Aikewara, Arara, Araweté, Assurini do Tocantins , Xikrin Kayapo, Guarani, Tembé, Xipaya, Gaviao, Wajapi.
L’Amazonie est la plus vaste forêt équatoriale de la planète. C’est également l’écosystème le plus diversifié. Hélas, comme le montre Frans Krajcberg, la forêt amazonienne connaît une destruction intensive malgré son caractère essentiel à notre propre survie. Et derrière cette situation se cache les souffrances des tribus menacées de disparition. Actuellement, le nombre d’Indiens vivant en Amazonie est estimé à moins de 350 000. Ils sont confrontés à une série de problèmes qui menacent de détruire leur environnement et leur mode de vie : entreprises pétrolières, orpailleurs, déforestation, menaçant tout un écosystème.
La série de portraits est issue d’un rassemblement de peuplades dans la région du Pará. Cette manifestation s’appelle Jogos do Pará et se tient dans la ville d’Altamira au Brésil. Ces images soulignent la culture indigène, son artisanat et ses jeux.
Au travers de cette exposition, je souhaite faire partager les aspects humains que cachent ces regards, de peuples fiers de leur identité, et montrer par la même que la préservation du bassin amazonien passe également par la défense des populations qui y vivent. Je veux mettre en valeur les acteurs, transcrire à travers leurs portraits leurs sentiments et le fort attachement qu’ils portent à leurs coutumes.
La tribu, leur vie et leurs combats.
Les Huaorani sont l’une des treize nationalités indigènes reconnues de l’Équateur.
Leur territoire est situé dans la partie amazonienne.
On évalue l’importance de leur population entre 2 200 et 2 500 personnes. Certaines de ces tribus vivent encore de la chasse et de la cueillette.
Le Parc Yasuni a été créé en 1979, reconnu réserve mondiale de biosphère par l’UNESCO, incluant par la même, une zone d’intangibilité et excluant donc, théoriquement, toute exploitation pétrolière.
Cette création fut confortée par un décret présidentiel signé en 1999.
Depuis des années, les Huaorani luttent pour empêcher l’installation des sociétés pétrolières et des chercheurs d’or, attirés par la richesse de leurs terres.
En 2005, des indiens Huaorani de l’Amazonie équatorienne ont fait le voyage jusqu’à Washington pour tenter d’obtenir un moratoire sur l’exploitation pétrolière dans leur région, l’une des plus riches de la planète pour sa biodiversité.
La tribu est farouchement opposée au projet, par la compagnie nationale pétrolière brésilienne Petrobras, de la construction d’une route de 54 km et de deux plateformes dans le dernier sanctuaire Huaorani.
Les Huaorani, bien que très attachés à leur forêt et soucieux de vouloir y vivre, sont manipulés par les compagnies pétrolières qui n’hésitent pas à les corrompre grâce à des aliments , des fusils, des médicaments, de l’essence, des moteurs, ou encore des groupes électrogènes.
Certaines communautés, désireuses de garder en main leur destin, se tournent de plus en plus vers l’écotourisme, qui, sans apporter les mêmes sources de revenus, leur permet de vivre en harmonie avec la forêt de leurs ancêtres.
Rozenn en Amazonie : rencontre avec les Huaorani
« Je suis partie en Équateur au mois d’avril 2000, séjournant sur les berges de la rivière Tiputini dans une communauté Huaorani.
C’était mon premier voyage en forêt équatoriale. J’ai eu la chance de rencontrer une femme Huaorani qui parlait espagnol et vivait à Coca.
Elle a voulu me faire partager un moment de sa vie dans la forêt et me faire connaître sa grande famille! La tribu entière !
Après deux jours harassants passés dans des cars surchauffés, nous avons dû marcher une dizaine d’heure dans la jungle épaisse, gorgée d’eau.
Très à l’aise, sa fille de 7 ans qui nous accompagnait avait apparemment l’habitude de ce genre d’exercice. En revanche moi, j’étais complètement maladroite, je trébuchais, je tombais souvent… Elle m’avait prêté des bottes en caoutchouc pour ne pas me faire mal, mais, très vite, je me suis rendu compte de la difficulté d’avoir des chaussures dans la jungle et de ne pas sentir le sol et les branchages, très glissants à cette époque de l’année (c’était la saison des pluies).
Nous avons traversé une vingtaine de cours d’eau jusqu’à la taille. À d’autres endroits, il fallait mettre des branches d’arbres au sol pour marcher dessus. J’ai très vite laissé les bottes de côté …
En chemin, Carmen, mon amie Huaorani, (c’est son nom catholique pour la ville), m’a expliqué les problèmes liés à l’exploitation pétrolière et les terres accaparées par les étrangers.
Cinq ans auparavant, sa tribu n’avait jamais vu un morceau de pain et ignorait tout du pétrole. Très vite, une partie des hommes, surtout les jeunes, en est devenue dépendante.
On leur donne, en échange de leur terre, des habits, un peu de pétrole pour leurs barques afin de leur éviter les dix heures de marche dans la jungle.
Lorsque les pétroliers n’ont plus besoin de cette terre, tous les cadeaux s’arrêtent, sans aucune explication. Les tribus se retrouvent alors sur un espace meurtri, privés du confort de ces produits.
Carmen m’a parlé de son désarroi face à cette semi-civilisation que les jeunes générations ne maîtrisent pas. Ils ne sont pas assez éduqués pour vivre en ville, mais veulent se rapprocher de la civilisation moderne car ils pensent que la vie y est plus facile. Ils ne connaissent pas cette vie et se référent simplement au côté pratique du moteur et du pétrole qui suppriment les longues marches, par exemple …
Ces apports extérieurs ont de graves conséquences au sein de la communauté. La tribu se divise. Le chef de village se retrouve désemparé face à cette envie de changer de mode de vie, il ne voit pas ça d’un bon œil. Il est témoin de vols dans la tribu. Ces nouveautés deviennent des instruments de révoltes et de conflits de pouvoir.
Comme le montrent mes images, les anciens chassent chaque jour des ragondins, des cochons sauvages et des singes pour simplement subvenir à leurs besoins quotidiens et garder leur culture ancestrale dont ils sont fiers …
Cette viande chassée, ils la mangent jusqu’à l’os, par goût et par habitude. Ils ne veulent rien entendre de la civilisation et se contentent de ce qu’ils connaissent le mieux : la chasse pour se nourrir. Ils vivent tout simplement au rythme de la nature.
Cet épisode de chasse traditionnelle, dont j’ai été témoin, fut le moment le plus marquant de mon expérience dans la jungle. Cinq indiens sont partis soudainement le long de la rivière : ils avaient repéré un ragondin. À l’aide d’une pirogue, deux d’entre eux se sont installés sur la rive et trois autres de l’autre côté de la berge. Ils se sont envoyé des signaux vocaux les uns aux autres, la main devant la bouche en caisse de résonance afin d’organiser la chasse. L’homme le plus vaillant ou le plus âgé donna le signal à un moment précis : l’action fut achevée en cinq minutes, avec une lance, alors même qu’ils avaient attendu une bonne demi-heure. C’était surprenant, magique ! Toute la tribu s’est précipitée pour voir, dans les bras musclés du grand oncle, l’animal mort qui devait peser pas loin d’une vingtaine de kilos ! Puis ils se sont mis à faire les préparatifs pour le repas du soir.
Le moment le plus fort de ce séjour en terre Amazone fut lorsque qu’une femme Huaorani me donna une dent de cochon sauvage en guise de bienvenue. Comme on ne parlait qu’avec des gestes, ce geste signifia énormément pour moi. Cette dent avait un symbole très fort pour elle, car elle le portait autour du cou. En échange, je lui ai donné un bracelet que j’avais confectionné en macramé. Elle a tout d’abord refusé car pour elle c’était juste un geste de bienvenue, mais après réflexion, elle a compris que moi aussi je voulais qu’elle accepte ce geste de remerciement comme cela se fait chez nous.
Plus tard dans mes voyages, je me suis rendu compte que les dents étaient une manière d’honorer un invité et du coup, j’en ai fait une collection impressionnante autour du cou, au fil de mes rencontres… Symbole résumant la spontanéité de ces tribus.
Depuis cette expérience d’une grande pureté, j’ai voulu m’intéresser d’avantage aux cultures, aux traditions de ces populations menacées par un monde qui court à sa perte.»
Ces populations, déjà conscientes de la richesse de leurs terres, sont désormais confrontées aux nouveau enjeux économiques. Les guerres entre tribus ont laissé place à une guerre de territoires contre les grands propriétaires ou les gouvernements trop intéressés par la manne pétrolière . Finalement, les Indiens auront toujours dû défendre leur territoire.